Une collaboratrice française punie en se faisant raser la tête pour la commémorer publiquement, 1944 .hh
Les femmes françaises qui se sont liées d’amitié avec les nazis, par le biais de relations forcées, coercitives ou volontaires, ont été la cible de représailles honteuses après la libération de la France.
La femme photographiée ici, qui aurait été une prostituée au service des occupants allemands, se fait raser la tête par des civils français pour rendre hommage à son souvenir public. Cette photo a été prise à Montélimar, en France, le 29 août 1944.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Français accusés de collaboration avec l’Allemagne ont subi un acte de vengeance particulièrement humiliant : ils ont été rasés en public.
Presque toutes les personnes punies étaient des femmes. La plupart des historiens ont souligné l’anxiété sexuelle créée par l’occupation nazie et la façon dont l’activité sexuelle des femmes était jugée comme faisant partie d’une « purification » publique après la libération.
Similaires aux bandes d’autodéfense qui punissaient les hommes qui collaboraient avec les occupants, des groupes se rassemblaient pour juger les femmes en les faisant défiler sur la place publique.
Cet épisode de l’histoire de France continue de provoquer honte et malaise et n’a donc jamais fait l’objet d’un examen approfondi.
La punition consistant à raser la tête d’une femme a des origines bibliques. En Europe, cette pratique remonte à l’époque des Wisigoths.
Au Moyen Âge, cette marque de honte, qui dépouillait une femme de ce qui était censé être son trait le plus séduisant, était généralement une punition pour l’adultère.
Le rasage de la tête des femmes en signe de représailles et d’humiliation a été réintroduit au XXe siècle.
Dans toute la France, de 1943 au début de 1946, environ 20 000 femmes de tous âges et de toutes professions, accusées d’avoir collaboré avec l’occupant allemand, ont eu la tête rasée. De même que l’identité des personnes qui ont effectué cette opération était variable, les modalités de celle-ci étaient également variées.
Parmi ceux qui l’ont menée, on trouve par exemple des résistants, des combattants de la Libération, des voisins descendus dans la rue une fois les Allemands partis, des hommes dont l’autorité dépendait de la police et de la justice.
Après l’humiliation d’un rasage public de la tête, les tondues – les femmes tondues – étaient souvent promenées dans les rues à l’arrière d’un camion, parfois au son d’un tambour, comme s’il s’agissait d’un tombereau et que la France revivait la révolution de 1789. Certaines étaient enduites de goudron, d’autres dénudées, d’autres encore marquées de croix gammées à la peinture ou au rouge à lèvres.
À Bayeux, le secrétaire particulier de Churchill, Jock Colville, a enregistré ses réactions à l’occasion d’une de ces scènes : « J’ai vu passer un camion ouvert, accompagné de huées et de sifflets de la population française, avec à l’arrière une douzaine de femmes misérables, tous les cheveux de leur tête rasés.
Ils étaient en larmes, la tête basse de honte. Bien que dégoûtés par cette cruauté, je me disais que nous, les Britanniques, n’avions connu aucune invasion ni occupation depuis près de 900 ans. Nous n’étions donc pas les meilleurs juges ».
L’historien américain Forrest Pogue a écrit à propos des victimes que « leur regard, entre les mains de leurs bourreaux, était celui d’un animal traqué ».
Le colonel Harry D McHugh, commandant d’un régiment d’infanterie américain près d’Argentan, rapporte : « Les Français rassemblaient les collaborateurs, leur coupaient les cheveux et les brûlaient en énormes tas, dont l’odeur se faisait sentir à des kilomètres à la ronde. Les femmes collaboratrices étaient également contraintes de se battre et étaient sévèrement battues ».
L’imposition de sanctions à connotation sexiste marquées au fer rouge a éclipsé leur utilisation pour tous les actes de collaboration.
Après la guerre et jusqu’à nos jours, les photographies des femmes au crâne rasé sont devenues le seul témoignage d’une pratique sur laquelle ceux qui l’ont mise en œuvre ont gardé le silence – l’attention s’est portée sur les victimes et sur l’acte lui-même, laissant de côté ce qui l’a précédé et ce qui l’a suivi (collaboration, accusation, arrestation, jugement, condamnation).
Lee Miller, l’un des photographes qui a documenté l’événement, parle de la facilité avec laquelle ce changement a pu se produire : « J’ai vu quatre filles qui avaient été conduites dans les rues et je me suis précipité vers elles pour prendre une photo.
« Je me suis retrouvée tout de suite à l’avant du cortège et les gens du coin pensaient que j’étais la femme soldat qui les avait capturés ou quelque chose comme ça, et on m’embrassait et on me félicitait en même temps que les gifles et les crachats pleuvaient sur les malheureuses filles ».
Parmi les actes de collaboration reprochés aux femmes, on peut définir trois catégories : politiques, lorsqu’elles avaient appartenu à une organisation collaborationniste ou, plus modestement, avaient eu des opinions en faveur de l’ennemi ou manifesté leur opposition à la Résistance et aux forces alliées ; financières si elles avaient bénéficié de contacts professionnels ou d’affaires ; personnelles, si elles avaient eu des relations avec des membres des forces d’occupation.
Ils pourraient également être accusés de quelque chose auprès des autorités d’occupation.
Une quatrième raison pour être arrêté et avoir la tête rasée était d’être originaire d’un des pays de l’Axe ; cela n’indiquait pas nécessairement une collaboration mais invitait à la suspicion.
Au total, environ 23 500 personnes ont eu la tête rasée en guise de punition pour avoir collaboré.