Dans les années 1920, il existait un cabaret parisien à thème infernal connu sous le nom de Cabaret de L’Enfer.
Fondé en 1892 près de Montmartre à Paris, ce lieu unique présentait une entrée ressemblant aux mâchoires béantes d’un Léviathan, symbolisant la damnation.
Ce cabaret emblématique était plus qu’un simple lieu de divertissement ; c’était un portail vers les bas-fonds de la ville, où le fantastique et l’interdit convergeaient dans un spectacle fascinant.
Le Cabaret de L’Enfer était le pendant du Cabaret du Ciel, autre cabaret qui partageait la même adresse sur le boulevard de Clichy.
Antonin Alexander était le créateur, le directeur et l’hôte des deux entreprises.
Jules Claretie, qui écrivait que les futurs historiens des mœurs de la Belle Époque « ne pouvaient passer silencieusement devant ces cabarets », les décrivait comme « mettant le poème de Dante à portée de marche » .
Pour Georges Renault et Henri Château, « Le Ciel et L’Enfer, tous deux grands ouverts, en rang » méritait le qualificatif de « spectaculaire ».
La façade intimidante était « une ode en stuc à la nudité féminine dévorée par des flammes infernales ».
Situé au pied de la butte Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris, le Cabaret de l’Enfer fut le précurseur des restaurants à thème, dont l’ambiance était son principal attrait, et n’accueillait qu’occasionnellement des chanteurs de café.
En 1895, trois ans après son ouverture au 34 boulevard de Clichy, Antonin déménage l’établissement au numéro 53, où il restera plus d’un demi-siècle.
Entre-temps, l’emplacement initial est racheté par un concurrent, l’illusionniste Dorville, et son administrateur Roger, qui ouvrent un « cabaret macabre », le Cabaret du Néant.
Ce cabaret se spécialisait dans les « invocations de l’outre-tombe » plus sinistres, tandis que le Cabaret du Ciel proposait joyeusement des « illusions mystiques » et le Cabaret de l’Enfer, des « tours de magie ».
Selon Jules Claretie, les spectacles offerts par les Cabarets du Ciel et de l’Enfer « ne différaient pas essentiellement des attractions vues à la fête de Neuilly… Ils utilisaient les mêmes tours d’illusionnistes produits par des combinaisons de miroirs et des jeux de lumière. Mais un orgue ajoutait une musique mystérieuse à ces tableaux rapides » .
L’ambiance était joviale et Antonin, ancien professeur de littérature, en maintenait la convivialité, donnant le ton par des discours humoristiques, costumés, prononcés soit en saint Pierre, soit en Méphistophélès.
Le portier du Cabaret de l’Enfer, déguisé en Diable, accueillait les clients en leur disant : « Entrez et soyez damnés !
Une fois à l’intérieur, les clients étaient servis par des serveurs habillés en diable.
En 1899, un visiteur rapporte que, dans le jargon utilisé à l’intérieur du café, une commande de « trois cafés noirs rehaussés de cognac » était relayée au bar comme : « Trois rasades bouillonnantes de péchés fondus, avec une pincée d’intensificateur de soufre ! ».
La véritable essence du Cabaret de l’Enfer résidait dans ses spectacles éclectiques et titillants.
Des danseurs, des chanteurs et d’autres artistes sont montés sur scène, vêtus de costumes évoquant le thème de la damnation et de la tentation.
Leurs actes allaient du sensuel au grotesque, tissant des récits qui dansaient souvent à la frontière de l’acceptabilité sociale.
Le public, un mélange de locaux et de touristes, s’est délecté du caractère séduisant et scandaleux des performances, s’immergeant dans l’ambiance décadente du cabaret.
Quelques années après la Libération de Paris, le supermarché Monoprix, voisin du Cabaret de L’Enfer depuis 1934, rachète les deux cafés, les vide, les agrandit et remplace les deux façades par leur propre entrée. En 1950, toute trace de l’ancien Cabaret de L’Enfer a disparu.
Le Monoprix occupe actuellement toute la longueur du rez-de-chaussée entre l’angle avec la rue Pierre-Fontaine et le numéro 51. L’entrée se trouve à l’emplacement de l’ancien Cabaret de l’Enfer.